Appel à communication

Comment enseigner la géographie en anglais ou l'anglais en géographie dans les dispositifs EMILE ?

Ce colloque se donne pour objectif de réunir didacticiens, linguistes, géographes, formateurs et enseignants du secondaire autour de la question de l’enseignement-apprentissage de l’anglais langue étrangère (ALE) en section européenne, et plus particulièrement en classe de DNL géographie.

Au cours des 20 dernières années, les dispositifs EMILE (Enseignement d'une Matière Intégré à une Langue Étrangère) se sont largement développés en France (en sections européennes) tout comme dans le reste de l’Europe, avec pour objectif de renforcer les compétences linguistiques des élèves en langue vivante étrangère (LVE) en même temps que leurs compétences dans des Disciplines Non Linguistiques (DNL) (Goris, 2019 ; Pérez Cañado, 2018). En combinant l'apprentissage de DNL, telles que l'histoire, la géographie, l’économie, la gestion, la santé, la vente, etc., avec celui des LVE, l'EMILE a pour objectif d’enrichir l'expérience éducative des élèves. Les apprentissages en DNL portent à la fois sur les contenus disciplinaires et sur les compétences linguistiques, notamment la langue de spécialité. Ce colloque s’intéressera plus particulièrement aux problématiques liées au cours de géographie en anglais, qui implique l’usage d’une langue de spécialité, ainsi qu’à celles  du langage graphique, propre à la discipline. La nature complexe du discours spécialisé tel qu'utilisé dans la classe EMILE a été identifiée par Cummins (1999) qui a mis en évidence les différences significatives entre langue du quotidien et langue académique. Celle-ci se distingue par des traits spécifiques liés au domaine disciplinaire - lexique, structures syntaxiques et éléments grammaticaux, genres discursifs – qui sont essentiels à la construction du sens. Les enseignants de DNL, malgré des compétences générales attestées en langue étrangère (niveau B2 du CECRL), ne sont pas des experts en anglais de spécialité. Par ailleurs, en France, les professeurs d’histoire-géographie ont pour 91% d’entre eux, une formation initiale d’historien, ils sont donc moins spécialisés en géographie. 

Dalton-Puffer (2011) note par ailleurs que le discours dans la langue étrangère (L2) a tendance à être moins varié et nuancé au niveau pragmatique que dans la langue de scolarisation (L1). Pour l’anglais, plus particulièrement, les difficultés de prononciation des enseignants sont également courantes (Martín del Pozo, 2016). 

À l'inverse, Gajo & Grobet (2008) soulignent que de nombreux épisodes discursifs, qui peuvent sembler principalement orientés vers des problèmes linguistiques (explication de vocabulaire, organisation du discours), servent également à clarifier et à renforcer la maîtrise des concepts. Ainsi les phases de médiation et de remédiation liées à la langue étrangère sont-elles susceptibles de faciliter le processus d’intégration (construction intégrée des savoirs) propre à l’EMILE. 

D’autre part, l’enseignement des LVE en France s’inscrit dans une perspective actionnelle (CECRL, 2001, 2018) qui considère les apprenants comme des acteurs sociaux. Cette approche vise à engager les élèves dans la réalisation de tâches qui incluent des travaux collaboratifs et interactifs. Néanmoins, l’approche n’est pas familière aux enseignants de DNL, notamment concernant l’importance accordée aux pratiques langagières et au rôle primordial qu’elles jouent dans la construction des apprentissages. Faute de pratiques didactiques et pédagogiques adaptées aux DNL, une grande partie des échanges entre élèves se déroulent en français, échouant ainsi à la construction de compétences solides en langue étrangère. 

Les classes de DNL géographie ne disposent pas d’un programme dédié qui définirait les attendus curriculaires. Les enseignants sont ainsi amenés à construire leur programmation en fonction des objectifs qu’ils fixent à leur classe, que ce soit en termes de savoirs ou de savoir-faire. Or la géographie francophone se distingue de la géographie anglophone, par son histoire mais aussi par la construction de ses champs d’intérêts et de ses concepts (Hancock, 2002 ; Claval, 2008 ; Gintrac, 2012). Des concepts très usités dans la géographie scolaire française n’ont pas forcément d’équivalent en anglais ou n’occupent pas la même place au sein de la discipline anglophone par exemple (Gonin, 2024). Ces considérations permettent d’ouvrir des questionnements sur les contenus enseignés en DNL géographie.

Les élèves doivent être entrainés à utiliser et s’exprimer autour des outils de la géographie (les cartes, les schémas, des photos et des images satellites) ainsi qu’au raisonnement géographique : analyse des organisations spatiales, différenciation spatiale, changement d'échelle, analyse du rôle des acteurs. Les ressources linguistiques qui y sont associées seront exploitées à la fois dans le cours de géographie mais également dans le cours d’anglais. Il convient donc de s’interroger aussi sur la répartition des contenus enseignés et des pratiques langagières qui viennent médier ces contenus. 

Ce colloque s’inscrit dans un contexte où les recherches menées en Europe, dans le primaire, le secondaire ou le supérieur, montrent généralement des résultats positifs des enseignements EMILE concernant la motivation des apprenants et leurs résultats scolaires. Plusieurs études ont souligné que ces "effets DNL" apparents sont probablement exagérés, et en partie dus à la sélection d’élèves déjà très performants et très motivés (Sylvén, 2010), ce qui est également le cas en France. Des études à grande échelle en Espagne ont fait état d'une croissance des compétences linguistiques pour les groupes EMILE (Pérez Cañado, 2018) mais, en France, les recherches sont très peu développées. 

Les présentations pourront, par exemple, apporter quelques réponses aux questions suivantes :

  • Quelles sont les caractéristiques de la langue de spécialité de la géographie en français et en anglais ? Qui doit l’enseigner et comment ?

  • Quelles sont les pratiques langagières de la classe, propres à ces programmes EMILE ? 

  • Comment les concepts enseignés permettent-ils d’appréhender l’altérité des points de vue anglophone et francophone sur les problématiques mondiales ?

  • Quelle approche de la géographie doit être privilégiée quand l’enseignement est en anglais ? L’approche française ou les approches anglophones, qu’il conviendrait de préciser ?

  • Comment les enseignants interagissent-ils et adaptent-ils leur discours en classe pour soutenir les apprentissages linguistiques et conceptuels en anglais ?

  • Comment les compétences langagières des élèves se construisent-elles grâce au dispositif EMILE ? 

  • Quelles sont les synergies et les différences entre les cours d’anglais LVE et les cours de DNL ? Comment garantir la construction intégrée des savoirs ?

  • Existe-t-il une didactique de la DNL ?

Ces questions et thématiques ne sont bien entendu pas exclusives. Si le terrain français est le point de départ de nos interrogations, les propositions portant sur les autres systèmes éducatifs dans le monde sont encouragées.

 

Quelques références :

Claval, Paul. « La géographie culturelle dans les pays anglophones »: Annales de géographie n° 660-661, no 2 (1 juillet 2008): 8‑26.https://doi.org/10.3917/ag.660.0008.

Cummins, Jim. « BICS and CALP: Clarifying the Distinction. », 1999.

Dalton-Puffer, Christiane. « Content-and-Language Integrated Learning: From Practice to Principles? » Annual Review of Applied Linguistics 31 (mars 2011): 182‑204.https://doi.org/10.1017/S0267190511000092.

Gajo, Laurent, et Anne Gobret. « Interagir en langue étrangère dans le cadre de disciplines scolaires: intégration et saturation des savoirs disciplinaires et linguistiques dans l’élaboration des définitions ». In processus interactionnel et situations éducatives, 113‑36, 2008.

Gintrac, Cécile. « Géographie critique, géographie radicale : Comment nommer la géographie engagée ? » Carnets de géographes, no 4 (1 septembre 2012).https://doi.org/10.4000/cdg.1241.

Gonin, Alexis. « Le territoire est toujours vivant. Une analyse transversale de la littérature sur un concept central de la géographie ». Cybergeo, 2024.https://doi.org/10.4000/w62s.

Goris, Ja, Ejpg Denessen, et Ltw Verhoeven. « Effects of Content and Language Integrated Learning in Europe A Systematic Review of Longitudinal Experimental Studies ». European Educational Research Journal 18, no 6 (novembre 2019): 675‑98.https://doi.org/10.1177/1474904119872426.

Hancock, Claire. « Genre et géographie : les apports des géographies de langue anglaise ». Espace, populations, sociétés 20, no 3 (2002): 257‑64.https://doi.org/10.3406/espos.2002.2038.

Pérez Cañado, María Luisa. « CLIL and Pedagogical Innovation: Fact or Fiction? » International Journal of Applied Linguistics 28, no 3 (novembre 2018): 369‑90.https://doi.org/10.1111/ijal.12208.

Pérez Cañado, María Luisa. « Innovations and Challenges in CLIL Teacher Training ». Theory Into Practice 57, no 3 (3 juillet 2018): 1‑10.https://doi.org/10.1080/00405841.2018.1492238.
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